Intervention de M. Laurent Wauquiez suite à la motion de censure déposée contre le Gouvernement
Madame la Présidente,
Monsieur le Premier ministre,
Chers collègues,
5 octobre 1962. Il y a exactement 62 ans et trois jours. Une coalition des contraires – allant des communistes jusqu’à l’extrême-droite – censurait le gouvernement de Georges Pompidou.
Ce jour-là, il dit avoir senti « physiquement, à la tribune de l’Assemblée nationale, le mauvais génie d’autrefois de nouveau présent dans l’hémicycle ». Il avait sous les yeux, non pas « le contrôle légitime de la politique du gouvernement », mais « la passion de tout renverser ».
Car, oui, le blocage institutionnel a maintes fois abîmé notre pays. Et aujourd’hui, ce risque de blocage est devant nous. Parce que la passion de tout renverser c’est bien ce qui vous anime.
Et il est d’autant plus dangereux que la situation du pays – les Français le savent et le sentent –est d’une extrême gravité. Je pense tout à la fois à l’état désastreux de nos comptes publics, à la montée de l’insécurité, à l’absence criante de maîtrise de nos frontières ou aux difficultés que traversent nos services publics.
Nous n’avons que deux options et aucune autre : l’inaction ou l’action, le désordre ou les solutions, le chaos ou la responsabilité.
L’esprit de responsabilité, c’est de choisir entre ce gouvernement et le blocage politique.
L’esprit de responsabilité, c’est de juger aux actes plutôt que par des procès d’intention. Ce n’est pas d’annoncer vouloir renverser un gouvernement avant même qu’il soit formé.
L’esprit de responsabilité, c’est de reconnaître qu’aucune majorité absolue n’est sortie des élections. Ce n’est pas de prétendre qu’elles vous ont été volées pour la seule raison que vous ne les avez pas remportées.
L’esprit de responsabilité, c’est d’accepter la gravité d’un moment où l’intérêt de la France doit passer avant les intérêts politiciens.
L’esprit de responsabilité c’est ce que demandent les français : ne pas faire tomber un gouvernement mais au contraire s’entendre dans cette période difficile pour faire du travail utile pour le pays.
À gauche, vous auriez pu choisir cette voie, en vous ouvrant au dialogue et en construisant un programme de rassemblement. Cela n’a pas été votre choix. Vous avez versé dans le sectarisme, l’intolérance et l’intransigeance. Vous avez cherché à imposer au pays votre Première
ministre et votre seul programme. Un programme dont il faut que chacun mesure bien les extrémités, eu égard à la situation déjà préoccupante de notre pays.
Que nous proposent comme autre choix l’extrême-gauche et ses alliés si nous devions voter cette censure ?
De dépenser 200 milliards alors que nous sommes le pays européen qui s’est déjà le plus endetté depuis 10 ans.
D’augmenter les impôts de 150 milliards d’euros alors que nous sommes le pays qui en détient déjà le record mondial.
De régulariser massivement les immigrés illégaux alors que l’immigration est à un niveau déjà sans précédent.
De traiter les policiers en « assassins » alors que l’on assiste à un effondrement de l’autorité.
De dépeindre les terroristes du Hamas en « résistants » alors que notre pays est en proie à une explosion d’actes antisémites.
Eh bien je vous le dis : les Français ne veulent pas de votre extrémisme.
Vous refusez de contribuer à trouver des solutions ; vous préférez vociférer, censurer, destituer. Car vous faites le pari que les problèmes vous feront prospérer.
En bref, le bateau France prend l’eau et vous ne pensez qu’à fomenter une mutinerie.
Mais aujourd’hui, je ne veux pas m’adresser aux affidés de Jean-Luc Mélenchon. Par sa rupture avec la République, nous savons depuis longtemps qu’il n’y a plus rien à attendre de la France insoumise.
Mais nous pouvons encore espérer un sursaut de l’autre gauche. Je voudrais m’adresser à la gauche qui se disait « de gouvernement », « républicaine » ou « sociale-démocrate ».
Monsieur Hollande, vous avez été président de la République, garant des institutions. Vous savez à quel point l’instabilité est un danger pour notre pays. Et vous vous apprêtez pourtant à voter la censure d’un gouvernement qui n’a pas encore déposé la moindre loi.
Comment pouvez-vous être à ce point en rupture avec ce que vous avez toujours porté par le passé ?
On ne peut pas être « social-démocrate » sur les plateaux de télévision et voter comme un seul homme avec les plus extrémistes à l’Assemblée.
Je le dis aux héritiers de la « vieille maison » de Léon Blum : sur ces bancs, vos alliés mélenchonistes vous surveillent mais, sachez-le, les Français vous regardent aussi.
Vous avez encore le choix entre le parti de Jean-Luc Mélenchon et le parti de la France.
Face aux semeurs de chaos, chacun est sommé dans son for intérieur de faire un choix. Et Raymond Aron qui a tant combattu dans la Guerre Froide l’aveuglement des idéologies nous le rappelait : « Le choix en politique n’est pas entre le bien et le mal, mais entre le préférable et le détestable. »
Les Français n’attendent pas que nous restions dans le confort de nos propres idées, en spectateurs du pourrissement. Ils n’attendent pas non plus des miracles, mais ils attendent juste que nous fassions Tmuvre utile.
Chers collègues, l’heure n’est plus aux postures ni aux impostures. L’heure est aux actes.
C’est pourquoi, parlementaires de la droite républicaine, nous ferons tout pour vous aider à réussir, monsieur le Premier ministre. Pour vous aider à mettre en Tmuvre la politique de changement qu’attend une large majorité de Français. Pour faire en sorte que les mois qui viennent
soient utiles à la France.
Revaloriser le travail plutôt que laisser dériver l’assistanat, rétablir l’ordre en mettant fin au laxisme reprendre le contrôle sur l’immigration, privilégier la production en France plutôt que les importations polluantes, sortir du désordre budgétaire en faisant d’abord et avant tout des économies… Voilà le cœur des propositions que nous avons présentées et que nous porterons, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, avec Mathieu Darnaud.
Monsieur le Premier ministre, je me félicite de la méthode que nous avons commencé à bâtir ensemble. Je vous ai dit, la semaine dernière, notre inquiétude que les retraités ne finissent en boucs-émissaires du « quoi qu’il en coûte ». Décaler la revalorisation des retraites, dans un pays qui compte tant de petites retraites, était à nos yeux un problème.
Vous nous avez entendus en nous demandant aussi d’être responsables et de trouver d’autres pistes d’économies. Nous allons travailler avec vous pour trouver une solution en protégeant nos retraités.
Cette méthode est la bonne méthode ; c’est tout l’inverse du sectarisme qui motive cette motion de censure.
Cette méthode sera la nôtre dans les mois qui viennent : faire des propositions plutôt que donner des leçons, privilégier toujours les solutions aux imprécations.
À la radicalité des postures partisanes, nous opposons l’exigence de l’intérêt national.
Il ne revient qu’à nous de nous hisser à sa hauteur. C’est la volonté des Français et c’est l’intérêt de la France.